1000 collines de sang

Avant d'entrer plus profondément dans le sujet, il est important de connaître ceratins termes ou sigles relatifs au génocide des tutsi. Ce glossaire augmentera au fur et à mesure de mes lectures.

Itsembabwoko:

Avant les évènements tragiques de 1994, les concepts de génocide et d'extermination étaient inexistants au rwanda. Il a donc fallu trouver un terme pour le désigner.On utilise donc désormais le terme "Itsembabwoko" qui indique l'idée d'extermination en kinyarwanda.

Les définitions qui vont suivre sont tirées du livre de laure de Vulpian, Rwanda, un génocide oublié? Un procès pour mémoire (éditions complexe, 2004)

Accords de paix d'Arusha:

Accords signés à Arusha (Tanzanie), le 4 août 1993 entre tous les partis politiques rwandais à l'exception du plus extrémiste (CDR). Ils visaient à établir un cessez-le-feu, un état de droit, le partage du pouvoir et une armée nationale multi-éthnique.

Akazu:

Signifie "la petite maison" en kinyarwanda. C'est le nom donné au cercle restreint le plus proche du pouvoir et du président Habyarimana. C'est le cercle le plus extrème, où aurait été pensé le "plan" du génocide. Agathe, l'épouse du président, semble y avoir joué un rôle très important.

CDR:

Caolition pour la défense de la république. Parti à l'origine du "hutu power".

FPR:

Front patriotique rwandais.Parti crée en 1987 par des tutsi exilés et constitué en armée. Le FPR attaque le rwanda depuis L'Ouganda en Octobre 1990 et sort victorieux de la guerre civile en juillet 1994 en mettant fin au génocide.

Un soldat du FPR

Gacaca:

Juridictions traditionnelles réactivées et modernisées pour juger les génocidaires en procédure d'aveux. Leur objectif est d'accélérer la marche de la justice. La justice est rendue par des juges élus, devant la population du village. Slogan des gacaca: "La vérité guérit. Disons ce que nous avons vu. Avouons ce que nous avons fait. Et cela nous libérera."

NB: l'uniforme rose est réservé aux prisonniers.

Interahamwe:

Milice du MRND, le parti d'Habyarimana. A l'origine, chaque parti avait sa milice, formée de jeunes hutu recrutés parmi les supporters des équipes de foot ou les chômeurs. Chez les interahamwe, l'embrigadement idéologique est la règle. Au fur et à mesure qu'on approche du génocide, les miliciens sont armés et entraînés. Ils seront le bras armé du génocide. Par extension, ce nom est donné aux membres de toutes les milices.

Kinyarwanda:

Depuis le génocide de 1994, il y a trois langues officielles. Les lois sont promulguées en kinyarwanda, en anglais et en français. Le kinyarwanda est la langue naturelle des rwandais. Elle est commune aux trois éthnies: twa, tutsi, hutu.

MDR:

Mouvement démocratique républicain

MINUAR:

Mission des nations unies pour l'assistance au rwanda, crée en Octobre 1993 et commandée par le général québécois Roméo Dallaire (son adjoint est le colonel belge Luc Marchal). Elle a pour mandat de veiller à la mise en place des accords d'Arusha.

Le général Dallaire

MRND

Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement. Parti unique de 1978 à 1991. Parti du président habyarimana. Le MRND a été dissous en 2001 en raison de son rôle central dans la planification du génocide.

Opération

Afin de mieux comprendre l'origine et les rouages qui ont conduit au génocide, il est indispensable de prendre connaissance de l'histoire du Rwanda, en particulier les enjeux coloniaux, prépondérants dans les causes du conflit.

Cette chronologie est issue du livre de Laure De Vulpian, Rwanda un génocide oublié? Un procès pour mémoire (Editions complexe, 2004)

1885:

Le Burundi et le rwanda passent sous domination Allemande.

1900:

Création de la première mission des pères blancs au rwanda.

1916:

Les belges chassent les allemands du rwanda. Le pays passe sous domination belge. (Mandat belge sur le rwanda en 1923)

1931- 1932:

Mise en place d'un livret d'identité mentionnant l'appartenance éthnique (Twa, Hutu,Tutsi)

1946:

Tutelle belge sur le rwanda.

1957:

Création du manifeste des "Bahutu".

1959:

"Toussaint Rwandaise": premiers massacres de Tutsi. Des milliers d'entre eux quittent le pays vers les pays voisins: Burundi, Congo, Ouganda. Une révolution sociale se met en place jusqu'en 1961.

1960:

Victoire des partis hutu aux éléctions communales à laquelle succèdent massacres et exils par milliers de Tutsi.

1961:

Proclamation de la république. Victoire du hutu Grégoire Kayibanda, désigné président de la république du rwanda. Une fois de plus, des massacres et des exils en masse de tutsi ont lieu.

1962:

Déclaration d'indépendance du rwanda. Le roi tutsi Mwami Kigeri V est contraint à l'exil.

1963- 1967:

Des tutsi exilés au burundi tentent une reconquête réprimée par des massacres et l'exil par milliers de tutsi.

1973:

Des tutsi en exil tentent une nouvelle offensive tandis que les tutsi sont de plus en plus persécutés. Le ministre de la défense, Juvénal Habyarimana, effectue un coup d'état.

1978:

Le parti d'Habyarimana, le MRND, devient parti unique. Il est élu président de la république puis réélu en 1983 et 1988 avec 99,98 % des voix.

1987:

Création du FPR par des exilés.

1990:

Première attaque du FPR depuis l'Ouganda réprimée par des arrestations d'opposants et de nouveaux massacres de Tutsi. Une intervention militaire belgo- zaïro- française est mise en place.

1991:

La nouvelle constitution impose le multipartisme tandis que les massacres de tutsi persistent.

1992:

Développement des milices Interahamwe, liées au MRND. D'importants massacres de Tutsi ont lieu dans la région du Bugesera.

1993:

Les massacres de tutsi et d'opposants se poursuivent. Un cessez-le-feu et des négociations sont mis en place. Le 4 Août, le gouvernement rwandais et le FPR signent les accords de paix d'Arusha. La MINUAR, chargée de surveiller la mise en application de ces accords, arrive au rwanda.

6 Avril 1994:

L'avion transportant le président Habyarimana est abattu.

7 Avril- Juillet 1994:

Génocide des tutsi et massacre des hutu démocrates, opposants ou modérés.

Fin avril 1994:

Retrait quasi complet des troupes de la MINUAR.

Juillet- Août 1994:

Opération turquoise, menée par la France pour, officiellement, protéger les populations et établir une "zone humanitaire sûre".

4-5 Juillet 1994:

Le FPR prend kigali et Butare. Le régime génocidaire s'enfuit au zaïre, suivi par plus de deux millions de réfugiés, semant la confusion dans les média.

19 Juillet 1994:

Création d'un gouvernement d'Union nationale, composée du FPR et de 7 autres partis.

1994:

Création du TPIR par l'ONU. Au Rwanda, une loi prévoit des poursuites contre les génocidaires présumés.

2000:

Paul Kagame est nommé président de la république.

2001:

Vote d'une loi instaurant les Gacaca et éléctions de juges.

2002:

Premières instructions Gacaca.

2003:

Nouvelle constitution visant à protéger les rwandais contre un nouveau génocide. De nouvelles élections présidentielles ont lieu: Paul Kagame est élu au sufrage universel. Le FPR conserve une imposante majorité. Premières libérations provisoires de génocidaires ayant plaidé coupables.

Choisir un thème tel que le génocide de 1994 au Rwanda peut sembler étrange voire malsain. En effet, la plupart des gens préfèrent éviter de tels sujets, parfois par dégoût, souvent par désintérêt et ces réactions ont une part de compréhensible.

Moi même, je n'avais que 14 ans lorsque ce génocide a sévi et chacun sait qu'à cet âge, nous sommes peu enclin à nous tourner vers le monde si ce n'est le nôtre. Mes seuls souvenirs sont des images terribles de corps à l'abandon dans des villages et sur les routes et surtout ces interminables flôts de réfugiés fuyant de toutes parts.

Je n'avais pas établi de liens à l'époque: qui fuyait, pourquoi, qui tuait qui? En m'intéressant de plus près à ce sujet aujourd'hui, je comprends que ces questions que je me posais alors sont au coeur du problème et qu'un flou voulu était entretenu afin de semer la confusion sur ce qui s'est révélé être l'un des plus terribles génocides de l'humanité.

Pourquoi en parler? Parce que tout est fait pour oublier, relativiser voire nier ce génocide. En tant que blanche et surtout en tant que franaçaise, j'éprouve le devoir de faire connaître ces événements dramatiques, au nom du million de victimes et des survivants condamnés à vivre hantés par le traumatisme.

Comme l'a lucidement exprimé un rescapé de l'holocauste :"se taire est interdit, parler est impossible". Je fais le choix de parler de 1994 afin que ne tombe pas dans l'oubli le premier génocide africain.